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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

mière et autant d’air que nous en avons nous-mêmes dans ces rues spacieuses que nous ouvre et nous aligne maintenant, de toutes parts, une édilité ambitieuse, impatiente et magnifique.

Plus légères encore et plus hardies que la charpente, sans être moins durables, les constructions en fer répondent mieux à certains besoins qu’a enfantés le génie moderne ; elles peuvent, en effet, reposer sur des points d’appui plus espacés, elles bravent les incendies, et il est facile de les préserver de la rouille par un étamage à l’étain ou au zinc dont le procédé s’appelle galvanisation. Mis en œuvre comme élément principal de résistance, comme matière apparente de la construction, le fer en est aujourd’hui à ses débuts. L’art n’a donc pu déterminer encore les lois du beau dans ce genre d’architecture. Il est permis de conjecturer cependant que la solidité et la convenance y joueront un plus grand rôle que la beauté. Sans prétendre à fixer d’avance les formes que l’humanité emploiera dans l’avenir pour exprimer d’autres pensées que les nôtres, on peut croire que l’architecture réservera aux choses positives et aux combinaisons pratiques de l’ingénieur l’usage d’une matière qui nous semble impénétrable à la chaleur des âmes. Déjà nous avons vu la construction en fer produire, au centre de Paris, de brillantes innovations, dans ces Halles aux voûtes élancées, aux parois transparentes, qui laissent respirer et circuler librement des flots de peuple, et qui les abritent en plein air.

Le fer, quand il est forgé, possède sous un moindre volume plus de résistance à la rupture et à l’écrasement que n’en ont les autres matériaux. Il est dans sa nature de se développer toujours en longueur et jamais en largeur. On ne pourra donc établir aucun plein dans un édifice construit tout en fer, et les vides n’en seront remplis que par des vitrages. L’absence des pleins condamnera dès lors ce mode de construction à ne montrer jamais qu’une des faces de l’art et de la vie, et à n’employer qu’un des termes dont se compose l’éloquence de l’architecture… Après tout, qui oserait prévoir quels désirs agiteront les hommes des générations futures ? Peut-être trouvera-t-on à effacer plus tard ce qu’il y a d’ingrat dans ces matériaux métalliques, et ce qu’ils ont d’hostile en apparence aux pensées morales, aux sentiments tendres et intimes. Mais comme le fond de la nature humaine est invariable, la pierre, le marbre, le bois, la terre cuite, demeureront sans aucun doute les éléments préférés de l’archi lecture, tant que les hommes auront à exprimer des idées ondes affections semblables à celles qu’ils ont déjà manifestées dans leurs monuments depuis soixante siècles. Et s’il était permis de prédire que l’esprit et le cœur de l’humanité se transformeront un jour au sein de sociétés nouvelles, les matériaux qui ont servi jusqu’à ce jour à écrire l’histoire monumentale du monde conserveront la poésie qui