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ARCHITECTURE.

tout le peuple réside dans l’axe de l’édifice. Peu importe alors que la symétrie extérieure soit dérangée en détail par l’addition d’une sacristie, d’un baptistère, ou par l’irrégularité d’une ligue éloignée du centre… Mais à part ces circonstances, on peut dire en général que l’architecture n’est pas sujette à la symétrie intérieure, si ce n’est quand la vie commune doit fonctionner dans l’enceinte même du moment.

Ainsi, au dedans règne une beauté relative, libre, ou du moins sans règle fixe, tandis qu’au dehors règne une beauté nécessaire et soumise à ses propres lois.

Caractère. Dans l’homme le caractère est le visage de l’âme, comme dit Cicéron, vultus animi. En architecture, le caractère est aussi la physionomie morale de l’édifice. De même qu’un portrait sans caractère n’est qu’une vaine ombre de la personne représentée, de même tout monument qui ne s’adresse pas à notre esprit, qui n’y éveille aucune pensée, est un simple amas de pierres, un corps sans âme. Mais quelle est l’âme de l’architecture ? C’est la pensée qu’elle exprime.

Si cette pensée est celle de tout un peuple, si elle est vague, mais puissante et grande par son vague même, si le monument n’a aucune utilité pratique, aucune autre destination que de s’élever comme un symbole de la croyance universelle, l’architecture n’a point alors de caractère déterminé ; mais elle est grandiose, mystérieuse, étonnante, elle a du caractère. Si la pensée est précise, claire, si elle a été conçue par le grand nombre et que l’édifice ait une destination positive, l’architecture devra montrer au premier coup d’œil ce qu’elle est et ce qu’elle n’est point, parce que l’artiste aura dû y imprimer clairement, c’est-à-dire fortement, tous les signes auxquels on pourra reconnaître le but qu’il s’est proposé : l’édifice aura ainsi le caractère qu’il doit avoir et qui lui est propre ; il aura le caractère. Si la pensée que l’architecte doit manifester est une pensée individuelle et se rapporte à une destination privée, l’édifice représentera la manière dépenser ou de sentir particulière à ceux qui l’habitent, et, s’il la représente avec énergie, il aura un caractère.

Aux yeux du philosophe, il n’est rien de plus dangereux qu’un homme sans caractère, parce qu’il peut être alternativement bon ou méchant, ami ou ennemi ; aux yeux de l’artiste, il n’est rien de plus méprisable qu’une œuvre sans caractère, non seulement parce qu’elle nous expose à de continuelles erreurs, mais parce qu’elle est aux antipodes de la beauté.

C’est, en effet, un acheminement à la beauté que le caractère, aussi bien dans l’homme que dans ses œuvres. Si nous jetons un regard sur la société humaine, nous y voyons des hommes en qui la vie n’apparaît qu’à l’état d’ébauche, pour ainsi parler. La nature parcimonieuse ne leur a départi qu’une dose d’existence suffisante à peine pour qu’ils puissent se mouvoir dans un très petit cercle ; ce sont de purs individus ; ils ne