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Tahureau, et la tenir au besoin en captivité (1). Le poète d’ailleurs est jaloux lui-même à l’excès ; quand « ses affairez ennuis », le tiennent loin de son amie, il peste contre les maudits rapporteurs, les flagornards menteurs qui lui bouchent l’entrée de la Touraine, et il craint le volage étranger. Grands dieux ! il croit même voir un amant déguisé dans la sœur de l’Admirée :

Si j’apercoy ta sœur ou autre dame
Avecque toy, alors s’accroît ma flamme
Craignant de voir quelque amant déguisé.

Si parfois il la croit incapable d’une déloyale traliison, en d’autres moments il lui reproche son parjure :

Je n’entreprends pour ta parjure foij
Cruellement te traîner par la place (2).

On croirait presque entendre les lamentations et les invectives du poète de la Nuit d’Octobre.

Blanchemain, lui, n’a pas reconnu de mari à côté de l’Admirée. Il a pensé que la flère Tourangelle avait été outrée de s’être vue mise à nu dans les vers de Tahureau, qui l’avait étalée à tous les yeux, au lieu de garder le secret de leurs amours, et qui de plus s’était vanté de faveurs qu’il n’avait pas même obtenues. « Ce qu’il y a de certain, dit-il, c’est que l’Admirée conserva une cruelle rancune. Le charme lut rompu, le lien brisé ; la muse des premières amours resta pour toujours muette (3) ».

(1) Ronsard a dit de même, t. I, p. 111 : Un sot Vulcan ma Cyprine fasclioit. et Baïf a t crit au deuxième livre des Amours diverses : Il est vray qu’un Vulcan blesme de jalousie Plus vaillant (pi’un Argus contraint nostre désir.

(2) Voir II, 85, 21, 25.

(3) Poésies de Tahureau, t, I. p. ix.