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ses côtés, elle allait la laisser derrière elle. La vieille portait en même temps ses regards sur le visage de la jolie enfant, et ces regards échangés furent comme deux lueurs qui éclairèrent une partie de leur âme et y laissèrent lire des impressions rendues visibles. Dans l’âme de la jeune fille était la douce sympathie pour la vieillesse souffrante, dans l’âme de la vieille une profonde haine pour la jeunesse heureuse.

« Qu’elle a l’air malheureux ! pensa tristement Antonia.

— Qu’elle est jolie ! » se dit avec amertume la vieille.

Ce que son expression haineuse révélait de malheurs est impossible à exprimer.

Antonia eut peur.

Elle marcha un peu plus vite ; la pauvre femme hâta ses pas en la suivant, sans chercher cependant à rapprocher… Quand la jeune fille ralentissait sa marche, la vieille allait plus doucement, et si Antonia recommençait à marcher vite, elle entendait des pas pressés qui se mesuraient sur les siens. Ce fut cependant de la curiosité plutôt que de la crainte qu’éveilla dans l’esprit de la jeune fille cette obsession. Il faisait encore jour, et la route n’était pas entièrement solitaire, elle crut que cette pauvre femme attendait un moment favorable pour lui demander l’aumône, et, quelque pauvre qu’elle fût elle-même, elle chercha dans sa poche une petite