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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

1re époque. — François de Paris, diacre de l’église de Paris, défenseur des doctrines jansénistes, meurt en odeur de sainteté et est enterré le 2 mai 1727 dans le petit cimetière de Saint-Médard. Bientôt des miracles[1] s’opèrent sur sa tombe et, aux yeux des appelans décident en faveur de la doctrine Janséniste. Ces miracles soulevèrent l’incrédulité générale qui se c déchaîna, dit un auteur du temps, dès le commencement, de vive voix, puis par un grand nombre d’écrits de toute espèce, sérieux, raisonnés, satiriques, burlesques, comiques. Les miracles du saint Janséniste furent condamnés par des mandements, anathématisés en chaire et joués sur le théâtre… En un mot, jusqu’à présent la légende des miracles de l’abbé de Paris n’a trouvé crédit que dans le parti Janséniste, malgré toutes les démonstrations que les convulsionnaires et leurs défenseurs ont donné de leur authenticité[2]. Pendant cette première période, il n’est aucunement question de convulsions*

2e époque. — Jusque vers la fin d’août 1731, les miracles des guérisons s’étaient faits au cimetière de Saint-Médard avec assez de simplicité. Les malades faisaient des neuvaines et imploraient l’intercession du saint diacre en s’étendant sur son tombeau et en baisant même la terre qui l’environnait. Mais dans le mois d’août 1731, les convulsions apparaissent, et suivant l’expression des fervents « Dieu changea ses voyes, et celles dont il se servit alors pour la guérison des malades fut de les faire passer par des douleurs très vives et des convulsions très extraordinaires et très violentes ». Dans les récits qui ont été laissés de ces miracles et des convulsions qui les accompagnaient, il est aisé de reconnaître le rôle important que jouait la grande hystérie. Mais l’épidémie n’existait pas encore avec les caractères qu’elle devait revêtir plus tard. Peu à peu, les convulsions devinrent plus fréquentes, et la foule des convulsionnaires si considérable, que la Cour s’émut des conséquences qui pouvaient résulter de semblables désordres. On publia le 27 janvier 1732 une ordonnance du roi pour fermer la porte du petit cimetière de la paroisse de Saint-Médard… avec défense de l’ouvrir sinon pour cause d’inhumation. En même temps, on fit enlever et conduire à la Bastille, à Bicêtre, dans beaucoup d’autres lieux de dépôt, les convulsionnaires les plus renommés.

3e époque. — C’est alors que l’épidémie est définitivement constituée. Les moyens de répression n’ont été pour les convulsionnaires qu’une excitation nouvelle, « À peine eut-on interdit rentrée du saint lieu que Dieu paraissait avoir choisi pour y opérer ses prodiges, dit Carré de Montgeron, qu’il les multiplia plus que jamais. Un peu de terre recueillie auprès de l’illustre tombeau fit éclater les plus merveilleuses guérisons dans tous les quartiers de Paris et jusque dans les provinces. Des convulsions bien plus surprenantes que toutes celles qui avaient paru jusqu’alors prirent tout à coup une multitude de personnes. »

Aux convulsions, on vit alors se joindre les prédictions, les discours, les exhortations, les prières, les descriptions pathétiques, la prétention d’opérer des miracles et de parler des langues

  1. Le premier miracle est du mois de septembre 1727.
  2. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Bernard Picard, t. IV, p. 181, Amsterdam, 1736.