Page:Charcot - Les Démoniaques dans l’art.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

bien représenté, ainsi que la convulsion des globes oculaires. La langue est plus large et mieux saillante sur le tableau ; la bouche est la partie dont le dessin laisserait le plus à désirer [1].

Dessin des collections du Louvre. — Le musée du Louvre possède un dessin à la pierre noire, gouache et rehaussé de blanc sur papier gris, représentant le Saint Ignace de Loyola guérissant des possédés, et exécuté d’après le grand tableau de l’église des Jésuites d’Anvers.

Ce dessin, extrêmement soigné et très habile, a été exécuté pour les besoins de la gravure. Dans le catalogue, il est rangé sous la rubrique « d’après Rubens ». Il aurait donc été fait par un des élèves du maître. Mais tout porterait à croire que Rubens lui-même y a mis la main, au moins pour le retoucher. C’est aussi l’opinion de Van Hasselt [2].

C’est d’après ce dessin que Marinus aura fait sa gravure. Il suffit de comparer les deux pour que la chose soit hors de doute. Quelques-unes des différences que nous avons signalées entre le tableau de Vienne et la gravure se retrouvent dans le dessin, entre autres le sein de la possédée qu’on voit complètement découvert. Mais là où il est prouvé que le graveur a failli, c’est dans certains traits de la figure : le modelé du cou est bien supérieur dans le dessin, et l’œil, loin de montrer la pupille, ne laisse voir que le blanc de la sclérotique.

En somme, l’examen du dessin du Louvre nous montre que les défauts que nous avons relevés plus haut doivent être mis exclusivement sur le compte du graveur.

Nous avons trouvé, à la Bibliothèque nationale, une gravure d’après un tableau de Rubens représentant Saint François de Paule montant au ciel’ [3]. De nombreux personnages de tous rangs assistent à cette ascension. Au premier plan, des miracles s’accomplissent. On délivre de son suaire un mort qui ressuscite ; plus en avant, deux démoniaques, un homme et une femme sont en proie aux convulsions. Ces deux figures offrent de nombreux points de ressemblance avec les démoniaques du musée de Vienne, mais autant que permet d’en juger la gravure, ils ne les égalent pas à notre point de vue particulier. Aussi ne nous y arrêterons-nous pas.

Ce que nous avons dit suffit à démontrer dans quelle voie naturaliste féconde, pour la science comme pour l’art, s’était engagé Pierre-Paul Rubens, et à quels titres précis, en dehors de toutes autres considérations esthétiques que nous devons écarter, son œuvre survit et s’impose.

  1. Au bas de la lithographie on lit d’un côté : Drawn on stone by J. Scarlett Davis, from the original sketch by Rubens ; et de l’autre côté : Printed by C. Hullmandel.
  2. Van Hasselt, dans son catalogue, fait suivre l’indication du tableau de Vienne de la note suivante : « Le musée de Paris possède de cette composition un beau dessin au crayon noir, rehaussé de bianc et retouché par Rubens pour le graveur. »
  3. Cette gravure ne donne point le nom du graveur. Dans le coin à droite, on trouve la mention suivante : Pet. Paul Rubens pinxit. Guill. Collaert excudit. D’autre part, nous avons rencontré dans le catalogue des œuvres de Rubens qui fait suite à la Vie de Rubens, par André Van Hasselt, Bruxelles, 1840, sous le n° 495, l’indication d’un tableau représentant saint François montant au ciel, avec la mention : gravé par Lommelin, Quoi qu’il en soit, nous n’avons trouvé aucune autre indication sur le tableau de Rubens, lequel peut être n’existe plus.