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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

Par opposition, le groupe qui est en face çst plus calme. Une femme s’approche avec son petit enfant dans les bras ; une deuxième à genoux a deux enfants à ses côtés. Derrière elles, un homme, qu’on peut prendre pour un possédé guéri, enlève les cordes avec lesquelles on l’avait retenu.

Dans la nef ensoleillée de l’église, on voit fuir un groupe de démons. Au-dessus de saint Ignace, comme portés par un rayon de soleil, de petits anges, au nombre de cinq, tiennent des couronnes et des palmes.

Cette admirable toile, exécutée pour l’église des Jésuites, à Anvers, faillit, en 1718 devenir la proie des flammes qui anéantirent le monument. Plus tard Marie-Thérèse l’acheta.

Il existe également au musée de Vienne une esquisse peinte de ce tableau. Nous n’avons pas à y insister ici, par^^e qu’elle n’ajouterait rien à ce que nous a appris le tableau définitif sur la pénétration naïve et mal tresse qu’apportait Rubens dans son observation, et sur la décision qui s’en suivait dans son œuvre.

On doit au burin d’un graveur, Marinus, une reproduction de ce Saint Ignace guérissant les possédés et ressuscitant les enfants ; elle nous intéresse parce que nous avons à y relever quelques inexactitudes assez singulières.

Comme il arrive pour la plupart des anciennes gravures, celle de Marinus reproduit le tableau de Rubens retourné symétriquement, c’est-à-dire comme vu dans une glace. Cela tient à ce que les anciens graveurs dessinaient sur le cuivre sans prendre le soin de retourner leur dessin, d’où il résulte, qu’après l’impression, la composition sur l’épreuve apparaît au rebours du tableau original.

La gravure a fait subir au tableau de Rubens des modifications, dont quelques-unes tiennent à une interprétation imparfaite, mais dont le plus grand nombre ne sauraient être imputées au graveur.

On sait, en effet, que souvent à cette époque, le graveur travaillait, non d’après l’œuvre définitive du maître, mais d’après des dessins composés dans ce but, ou même d’après des répétitions en grisailles exécutées dans l’atelier ou par le peintre lui-même. Le dessin du Louvre dont nous parlerons plus loin parait avoir été fait dans ce but.

C’est ainsi que, dans la gravure de Marinus, la scène s’élargit sensiblement Les personnages n’y sont pas plus nombreux, mais ceux qui se massent dans les angles apparaissent un peu plus. En tous les sens le tableau est agrandi. La manière de Rubens est bien rendue, mais avec un peu d’amplification ; les mouvements sont plus violents, plus heurtés, les saillies musculaires exagérées ; les physionomies perdent de leur finesse et de leur vérité. Pour ce qui est de la Possédée, le gonflement du cou est moins saisissant, l’ombre qui cherche à accuser le larynx étant plus accentuée. Enfin l’œil a subi une modification malheureuse à notre point de vue technique ; la pupille, au lieu de se cacher sous la paupière supérieure, apparaît toute grande à l’angle externe de l’œil. Un autre changement mérite d’être noté, et semblerait trahir la préoccupation