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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

donnés des jambes et la saillie de la langue sont, à notre avis, les points les plus intéressants et qui méritent d’être signalés. Mais les membres supérieurs, les mains ouvertes tendues la paume en avant, ont une attitude absolument opposée à toute idée de convulsion ; la figure elle-même, à part la saillie de la langue déjà signalée, n’offre aucun trait caractéristique ; enfin les membres inférieurs, malgré leur agitation apparente, ne portent aucune marque tant soit peu précise des spasmes ou contractures habituels aux crises démoniaques. Qu’il y a loin entre cette figure prétentieuse et pleine d’emphase et le jeune possédé du Dominiquin dont l’attitude si simple et cependant si vraie nous montre — avec les yeux convulsés en haut, le renversement rigide de tout le corps en arrière, l’extension forcée des pieds — des signes absolument typiques et conformes à la réalité.

Nous n’hésitons donc pas à placer, à notre point de vue spécial, le possédé du Dominiquin bien au-dessus de celui de Louis Carrache.


LE MIRACLE DE SAINT NIL

FRESQUE DU DOMINIQUIN (NÉ EN 1581, MORT EN 1641). COUVENT DE GROTTA FERRATA

Le jeune possédé peint par le Dominiquin ne se débat pas. Un homme seul le soutient par derrière pour l’empêcher de tomber plutôt que pour le contenir ; il n’en présente pas moins tous les caractères de la « grande attaque » sous son mode qui parait être le plus fréquent chez les jeunes garçons, c’est-à-dire représentée par la phase des « contorsion » de la deuxième période.

L’attitude figurée par le Dominiquin n’est autre que celle que nous avons désignée sous le nom « d’arc de cercle ». Tout le tronc rigide est courbé en arrière, les membres inférieurs contracturés dans l’extension ne reposent que sur les gros orteils ; on remarque, en outre, un léger degré de rotation en dedans ; la tête elle-même, légèrement tournée de côté, paraît ramenée de force en avant par l’aide. La convulsion a envahi aussi la face ; les yeux sont convulsés en haut, et la bouche est ouverte. L’introduction de l’index de l’exorciste dans la bouche nous permet de supposer que la mâchoire inférieure est immobilisée en cette situation par la contracture. L’attitude des bras est la seule partie de cette figure qui, dans l’hypothèse où nous nous plaçons, puisse donner prise à la critique. Nous savons, en effet, que pendant la « contorsion », les poings sont d’ordinaire fermés et les avant-bras plutôt en supination qu’en pronation.

Charles Bell, l’éminent physiologiste, rapproche l’attitude du jeune possédé du spasme opisthotonique du tétanos.