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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

Saint Benoit alla faire ses oraisons comme à l’ordinaire, mais, en réfléchissant à sa rencontre, il n’était pas sans inquiétude. Le malin Esprit, en effet, trouvant un moine d’âge avancé qui acceptait le breuvage, il lui entra subitement dans le corps, le jeta à terre, et le tourmenta avec une étrange violence. L’homme de Dieu, à son retour de l’oratoire, vit le malheureux moine dans cette cruelle agitation. Alors il se contenta de lui donner un soufflet et chassa ainsi l’esprit maudit qui s’enfuit aussitôt et n’eut pas le courage de revenir. »

La gravure nous paraît représenter le moment où saint Benoît s’avance, la main droite tendue, pour donner le soufflet. Trois religieux soutiennent le possédé qui se renverse, écartant le bras, et représente, bien mal, l’étrange et cruelle agitation dont parle le texte. Rien dans la physionomie ne trahit la convulsion démoniaque. Cette figure est toute de fantaisie, elle nous parait être un exemple du style conventionnel et académique. Un petit diable à tête de canard s’envole au-dessus de la tête du possédé.

Le démoniaque de la seconde gravure ne vaut guère mieux. L’idée de violence et d’agitation est peut-être un peu mieux rendue, les aides qui maintiennent le patient sont au nombre de quatre, mais l’attitude garde dans son ensemble quelque chose de théâtral et d’apprêté, sans aucun signe précis et caractéristique.

L’histoire que cette gravure représente est la suivante :

« Saint Benoît par la seule force de l’oraison délivre un ecclésiastique possédé du démon.

En ce même temps il arriva qu’un ecclésiastique de l’église d’Aquino fut cruellement tourmenté du démon. Le vénérable Costanza Vescovo de cette église, l’avait déjà fait conduire aux divers lieux consacrés aux saints martyrs pour obtenir sa délivrance, mais c’était en vain. Or tout le monde savait l’éminente grâce que Dieu avait accordée à saint Benoit. Le possédé fut conduit à l’homme de Dieu qui aussitôt implora N. S. Jésus-Christ et chassa l’antique ennemi du corps du malheureux. »

Nous voyons en effet sur la gravure que saint Benoit est en prière, pendant que les diables sortent du corps du malheureux. On en compte quatre. Dans un lointain qui représente plusieurs épisodes du même fait, on distingue le possédé en proie aux agitations de son mal.

Saint Benoit avait recommandé à cet ecclésiastique guéri de ne plus se présenter aux ordres sacrés sous peine de retomber au pouvoir du démon. L’histoire rapporte que plusieurs années après cet homme oubliant la recommandation du saint, recevait les ordres sacrés ; mais « au même moment, le démon, qui l’avait laissé libre jusqu’alors, lui rentra dans le corps et ne cessa de le tourmenter, jusqu’à ce qu’il lui eût arraché l’âme ».