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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

femme possédée. La malheureuse, soutenue par deux suivantes, s’arrête au milieu de la nef aux pieds du saint qui se penche vers elle en montrant le ciel de la main droite. L’émoi est dans l’église et les assistants nombreux expriment les sentiments les plus divers. Quant à la possédée elle s’affaisse en avant, les deux bras étendus, les jambes demi fléchies. La face ne présente aucun signe de convulsion.


LES DANSEURS DE SAINT-GUY

GRAVURE D’APRÈS PIERRE BREUGHEL. 1507-1625

La fameuse Danse de Saint-Guy, qui désola les provinces du Rhin pendant le XIVe et le XVe siècle et dont nous avons montré ailleurs les analogies frappantes avec la grande hystérie de nos jours, ne s’éteignit que lentement. Nous en retrouvons les derniers vestiges au XVIe siècle dans ces processions dansantes qui, à des époques déterminées de l’année, avaient lieu, en manière de pèlerinage, à certaines chapelles privilégiées.

Le hasard voulut qu’un maître dessinateur et peintre, Pierre Breughel, fût témoin d’un de ces singuliers pèlerinages qui se rendait à l’église de Saint-Willibrod, à Epternach, près Luxembourg. Un spectacle si plein de singularité et de mouvement était bien fait pour tenter le crayon de celui qu’on a surnommé le « peintre des paysans » ou encore Wiensen Breughel, Breughel le drôle. Et c’est pour nous une véritable bonne fortune que le dessin d’un maître si habile et si consciencieux. Il est facile, en effet, d’y reconnaître à première vue que l’hystérie et l’hystéro-épilepsie jouaient là, comme elles l’ont fait dans les épidémies proprement dites, un rôle prédominant.

Nous connaissons un croquis de Pierre Breughel représentant une scène d’ensemble, puis plusieurs gravures de Hondius relatives au même sujet, et exécutées d’après des dessins plus étudiés du maître flamand.

La figure ci-contre, empruntée aux Leçons sur les maladies du système nerveux de l’un de nous, est un fac-similé du croquis de P. Breughel qui fait partie de la galerie de l’archiduc Albert, à Vienne. On en trouve également une reproduction dans l’intéressant ouvrage de M. P. Lacroix (Vie militaire et religieuse au Moyen âge et à l’époque de la Renaissance, Paris, 1873, p. 433).

Une série de femmes, soutenues chacune par deux hommes et précédées par des joueurs de cornemuse, soufflant à pleins poumons dans leurs instruments, se dirigent en dansant, sur une seule file, vers une chapelle qu’on aperçoit dans le lointain et où se trouvent sans doute