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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

tudes, les sentiments de tous les personnages concourent à diriger sur elle l’attention du spectateur. Nous n’avons pas à nous demander ici quelle relation existe entre cette scène de possession et la Transfiguration. À ce propos, Passavant et, après lui, M. Eugène Müntz, se sont chargés de disculper Raphaël d’avoir manqué à la loi de l’unité et d’avoir représenté dans le même tableau deux scènes différentes. Il nous suffit de relever le rôle capital que joue le jeune démoniaque, dans ce contraste saisissant du calme et de la splendeur des régions célestes, avec le trouble et la confusion qui règnent dans la foule réunie au pied de la montagne.

Évidemment, la figure du jeune garçon a été très étudiée, et tous les détails qui la composent sont voulus. Raphaël savait voir la nature et la copier ; ses nombreuses et belles études conservées dans les collections publiques ou privées le démontrent. D’autre part, il serait difficile d’admettre qu’il n’ait jamais observé soit de vrais possédés, soit de simples malades atteints de crises convulsives. C’est donc intentionnellement qu’un tel maître a faussé la vérité et modifié la nature. A-t-il voulu en atténuer l’horreur et conserver à l’ensemble de sa composition plus de calme et de dignité en mettant plus de mesure dans la figure du jeune malade ? Nous n’avons pas ici à formuler un jugement sur ce système d’atténuation de la vérité. Nous ferons remarquer néanmoins que les considérations techniques dans lesquelles nous sommes entrés au sujet de cette figure paraissent donner raison aux critiques qui reprochent à Raphaël d’avoir sacrifié, dans ses dernières œuvres surtout, l’étude scrupuleuse du modèle à la recherche trop exclusive d’un idéal tout de convention.


JEUNE POSSÉDÉ

FIGURE DANS LA TRANSFIGURATION DE DÉODAT DELMONT (NÉ EN 1581, MORT EN 1641)[1]. MUSÉE D’ANVERS

Un peintre de l’école de Rubens, Déodat Delmont a peint un tableau de la « Transfiguration » conçu sur la même donnée que celui de Raphaël. Les analogies les plus grandes entre les deux œuvres résultent de la simultanéité de deux scènes, l’une céleste montrant le Christ transfiguré au sommet du Thabor, l’autre terrestre, formée aux pieds de la montagne par les disciples auxquels on amène un jeune possédé.

Dans la zone supérieure, le Christ apparaît dans sa gloire entre Moïse et Élie, et un peu plus

  1. Grâce à l’extrême obligeance de M. Julien Leys nous avons pu avoir de ce tableau, qui est au musée d’Anvers, une bonne photographie, d’après laquelle nous avons fait le dessin au trait reproduit ici.