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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

Dans la gravure dont nous donnons ici la reproduction, la scène se passe dans une grande salle dont les murs ont pour toute décoration un crucifix entouré d’images de sainteté. La plupart des assistants ont des livres en main et semblent réciter des prières, pendant que d’autres administrent les secours. Deux hommes convulsionnaires sont à terre, l’un d’eux est frappé à grands coups de bâton, l’autre supporte le poids de deux hommes montés sur lui. Cette dernière épreuve se rapproche de celle de la planche si usitée, et qui consistait en ceci : une convulsionnaire couchée sur le dos se couvrait le ventre et ja poitrine d’une planche et supportait le poids de toutes les personnes qui voulaient bien monter sur son corps.

Une convulsionnaire, également renversée à terre, courbe son corps en arc de cercle — attitude familière aux hystériques actuelles pendant la crise convulsive — pendant qu’un assistant lui pose le talon sur le front.

Nous avons dit comment ces coups ou ces attouchements pouvaient amener un soulagement réel chez les convulsionnaires en état de crise. La raison en est actuellement dans l’existence, en différents points du corps, de zones dont la pression suffit à calmer les crises les plus violentes. Quelquefois cette pression demande à être maintenue pendant un temps assez long. À gauche, un convulsionnaire s’agite maintenu par deux personnes.

Cette gravure, dans l’ouvrage de B. Picart, est accompagnée d’une autre d’égale dimension et qui représente le cimetière de Saint-Médard. Sur la tombe du diacre, un convulsionnaire s’agite, les jambes en l’air, soutenu par deux hommes. Un autre malade dans un état analogue est conduit hors de l’enceinte ; un suisse, avec sa hallebarde, fait écarter la foule pour lui livrer passage[1].

  1. Ces deux gravures sont accompagnées d’une explication que nous croyons intéressant de reproduire ici. Cette légende renvoie par des lettres aux différentes parties de la gravure ; le lecteur suppléera facilement à ces indications qui manquent ici.

    « Le premier dessin représente avec toute lexactitude possible le cimetière de Saint-Médard ; et c’est là qu’on voit la tombe de l’abbé Paris marquée A, où se font les guérisons et les miracles extraordinaires si répandus aujourd’hui en France et si vantés par les nouvelles du parti… Les malades ou soi-disant tels se couchaient tout de leur long et les uns après les autres sur ce tombeau et y tombaient immédiatement dans une crise de convulsion, dont un des principaux accès consistait à sauter, à cause de quoi ces convulsionnaires ont été désignés sous le nom de sauteurs. Après avoir sauté et s’être élevés plusieurs fois en l’air, ils attendaient ordinairement, nous dit-on, la guérison de leurs maux à la fin de la Neuvaine ; ce qui n’empêchait pas que le miracle ne se manifestât aussi avant les neuf jours, selon le plus ou moins de foi du malade.

    Quoi qu’il en soit la lettre B indique un de ces malades qui est une personne de marque environnée de plusieurs dévêts du parti, entre lesquels on en voit de marqués par la lettre C qui prêtent leurs charitables soins au malade » afin qu’il saute plus dévotement et qu’il s’élève avec plus de zèle. Pendant ces agitations du malade les personnes les plus zélées du parti prient Dieu, ou récitent des psaumes et marquent leur dévotion par leur attitude et leurs gestes, etc., de même entre ceux que la lettre E fait remarquer on en voit qui baisent la tombe et prient Dieu tout auprès.

    La dévotion va même jusqu’à ratisser la terre de cette tombe. La lettre F fait remarquer une troupe nombreuse de spectateurs les uns dévêts, les autres curieux ; les uns infirmes et attendris par leurs besoins, les autres sains et indifférents. On y voit surtout comme dans le reste du dessin des ecclésiastiques et des femmes.

    Dans le second dessin on a exprimé plusieurs actions singulières et qui, pour paraître incroyables aux incrédules de