Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
ET LES JOURS

Massénac prétexte la fatigue, pour se débarrasser de ses compagnons. Quand il a la certitude qu’ils sont partis, il revient au restaurant.

Lucienne sort peu après. Il l’aborde et offre de la reconduire.

— Je demeure tout près, dit-elle, mais nous pouvons marcher un peu. Je savais que vous reviendriez. J’ai aussi lu dans vos yeux que vous êtes malheureux.

— Votre patron ne sera pas jaloux ? demande-t-il cyniquement.

Elle répond fièrement :

— Je suis libre. Je travaille pour vivre. Ce n’est pas toujours facile, mais je suis capable de me défendre. Pourquoi êtes-vous méchant avec moi ?

— Vous avez répondu vous-même à cette question. Je suis malheureux.

— Nous sommes arrivés. Bonsoir.

Elle disparut avant qu’il n’ait eu le temps de répondre.

Des prostituées en maraude flânaient, deux par deux, reconnaissables dans le flot des gens, à leurs manières indiscrètes, pendant que des jeunes filles et des jeunes hommes de tous les