dit Pierre, et pourtant je ne puis penser à autre chose moi-même.
— Ne t’en fais pas, vieux, dit Louis, tu ne pouvais pas réussir. Le monde est trop mal fait. Ce sont les Prieur qui y réussissent. Ce sont des prudents. En attendant, puisque c’est toi qui payes, Auguste, sonne qu’on nous apporte à boire.
La porte s’ouvre avant qu’Auguste n’ait atteint le bouton et Lucienne apparaît.
— Je suis à vos ordres, messieurs, et je ne suis plus qu’à vous.
— Quatre manhattans pour commencer, délices de mes vieux jours, dit Auguste d’une voix faussement galante.
Lucienne traite Auguste comme une grande sœur traiterait un cadet fantasque et amusant. Tout en évitant de prendre au sérieux ses apostrophes, elle feint de s’en amuser mais sans se départir de sa dignité. Quand elle-même les provoque, c’est sur un ton de persiflage, condescendant et amical.
Lucienne sait par expérience quels sont les hommes dont il faut se méfier et ceux qui tiennent surtout à crâner. Ainsi, elle craint Massénac. Il ne fera pas de discours ; il ne dira que