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ET LES JOURS

se donner l’illusion d’échapper à la vie bourgeoise de son entourage.

Ces soirées, dont il appréhendait le retour, étaient infiniment tristes. Il se sentait déclassé dans ce milieu où, en petit provincial qu’il était, il ne se départait ni de sa dignité ni de son ennui. En rentrant à la maison, à l’heure où le firmament commence à pâlir, il s’apitoyait sentimentalement sur son sort, souhaitant un événement imprévu qui le tirât de cette misère. Il y retournait néanmoins, attiré par l’espoir de rencontres impossibles qu’il ne cherchait plus que là. Ses congés eussent été infiniment longs sans ces bruits, ces lumières, ces danses, au milieu de visages inconnus. Ils ne l’étaient pas moins ainsi, mais du moins, il n’était pas seul.

À cette époque, il ne se passait pas de mois qu’il ne songeât à quitter son pays. Cependant, il s’était depuis si longtemps habitué à maintenir dans son esprit l’ambition d’être un jour avocat, qu’elle lui était aussi présente que l’idée de son salut. Ce fut cette ambition qui l’empêcha de sombrer, comme tant d’autres, dans un dilettantisme stérile.

Quand Auguste revint de l’université, il trouva un Massénac changé, plein de rancœur con-