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LES DÉSIRS

comme la tentation anglaise, elle n’implique pas une renonciation. Ils finissaient par ne plus s’aimer eux-mêmes. Ils étaient stériles.

Auguste connaissait peu de jeunes gens qui n’avaient pas passé par le feu d’au moins une de ces tentations. Mais alors que la tentation anglaise est une tentation dynamique, qu’elle promet une plus grande puissance d’action, qu’elle est une maladie de l’adolescence, au moment où tout dans notre vie dépend des autres et que nous n’avons ni la force, ni l’argent, ni même un métier qui nous permette d’agir, la tentation européenne est la tentation du désespoir.

Celle-ci avait longtemps mis le jeune Prieur en désaccord avec lui-même. Il ne vivait plus selon ses sentiments, ni ses pensées. Il ne faisait rien dans la maison, ne touchait à rien de ce qui entretenait sa vie. Il passait tous les jours dans la même rue et n’en connaissait ni les maisons, ni les hommes. Il ne savait pas le nom des fournisseurs. Rien ne le retenait, rien ne l’attirait que les livres et l’espoir d’aller vivre à Paris.

Il fréquenta les boîtes de nuit, où sans s’amuser beaucoup, il put observer le demi-monde et