XI
Auguste Prieur avait souvent lutté contre la tentation d’abandonner ses études, mais il sentait bien qu’à aucun moment il n’avait été en son pouvoir de le faire. Quand il se jugeait perdu, des événements indépendants de sa volonté survenaient et orientaient sa vie dans le sens de son désir. Pour un jeune Canadien, il y a deux tentations, qui se présentent sous des formes parfois insidieuses, mais qui peuvent se ramener à ceci : « Avec ton talent, si tu te mêlais aux Anglais, tu pourrais aller loin » ; c’est la première tentation ; la seconde, plus subtile, porte le jeune bachelier, qui reçoit les livres et les revues de Paris, à se juger supérieur à tout ce qu’il voit autour de lui et à aspirer, sinon à aller vivre en Europe, du moins à créer autour de lui une petite tour d’ivoire européenne du haut de laquelle il méprise son pays.
Auguste avait vu plusieurs de ses amis succomber à cette tentation, plus déprimante parce qu’elle n’engage pas la vie active et que,