Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LES DÉSIRS

le lit. C’est d’une pneumonie qu’elle mourait après avoir tant souffert par le diabète. Ses jambes étaient enflées et déformées ; ses bras ramollis pendaient à ses côtés. Les seins et le menton s’étaient affaissés.

Il y avait longtemps qu’elle n’inspirait plus que de la pitié. Le médecin avait dit à son mari, un an plus tôt, à la suite d’une pleurésie : « Maintenant qu’elle a passé cela, il n’y a plus rien pour la faire mourir. Il vous faudra la tuer. »

Bernard se rappelle le sourire moqueur qu’elle avait jeune fille, ses clignements d’yeux quand elle s’amusait, sa voix de fausset, les mots d’anglais qu’elle introduisait dans ses phrases quand Pierre était présent. Il était jaloux, car elle était belle.


On a installé le corps, revêtu d’une robe noire, au milieu du salon, sur deux chevalets, recouverts d’un drap. Pendant l’ensevelissement, une vieille folle toute contrefaite et décharnée, qui habite une bicoque branlante aux murs couverts de vignes, est entrée sans frapper. Elle a déposé une gerbe de roses sauvages sur la