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ET LES JOURS

qu’il faut de force de caractère au fils d’un ouvrier pour continuer quand les parents n’ont pas confiance que les études peuvent être utiles et qu’autour de lui on le soupçonne d’avoir choisi la meilleure part par haine de ce qu’on appelle le travail.

Auguste et son père mangent en face l’un de l’autre ; Mme Prieur et les enfants occupent les côtés de la table. François Prieur tient à être le centre de l’intérêt. Il marque son mécontentement quand Auguste, oubliant cette règle, se met parfois à parler de lui-même. Ils échangent des idées, mais le jeune homme se méfie de l’imagination de son père. Auguste lit beaucoup et il s’aperçoit que les interprétations que son père lui a données en réponse à ses questions lui ont longtemps masqué certaines actions, rendu certains événements confus. Et bien qu’il ait compris que M. Prieur donne souvent pour vraie une création de son imagination, celles-ci sont si nombreuses, si variées, si convaincantes, que des années après il en découvre encore. D’autre part, il commence à se révolter, surtout passivement, contre ce qu’il considère comme la tyrannie familiale.

M. Prieur jouit dans sa famille d’une sorte