Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

V

Pierre Massénac habite avec ses parents dans une rue étroite et enfumée, appelée rue de la Manufacture. Le matin, quand il descend, le soleil lui paraît plus beau parce que la rue est sale, qu’elle débouche dans les champs et qu’il y séjourne même l’hiver, une odeur de vinaigre, de friture et d’excréments de poule. Les maisons sont sales, en dedans comme au dehors. Et pourtant, à ses yeux, quand le soleil, qui réchauffe le dépotoir, les tire de leur moisissure, elles chantent de toutes leurs fenêtres, les pavés rient de tous leurs carrés. Il y a dans cette rue plus d’enfants sales que dans tous les autres quartiers ensemble. Tout ce qu’on touche est poisseux et une odeur de pourriture imprègne jusqu’à la peau.

Le divertissement des gamins, c’est la chasse aux moineaux. On s’installe avec une fronde derrière un tas de détritus et on attend. Sitôt le coup parti, ceux qu’on appelle les « chiens » se précipitent sur la boule de plume et la re-

[40]