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ET LES JOURS

temps cessait d’exister pour eux. Ils connaissaient maintenant les moindres accidents du ruisseau et son tempérament suivant les jours, les places ombragées ou soleilleuses où la truite venait mordre à l’appât, les remous où les plus gros poissons se tapissaient, le gué où il fallait mettre le pied à l’eau pour atteindre une petite crique poissonneuse. À certains endroits, la berge était facilement accessible, à d’autres, il fallait se tracer un chemin à travers d’épais fourrés.

Le bois était rempli de pièges où Pierre et Auguste, sous prétexte de les initier, envoyaient leurs compagnons plonger jusqu’aux genoux dans la boue.

À chaque nouvelle visite, ils se proposaient de remonter jusqu’aux sources. Ils ne les atteignirent cependant jamais. Quand ils avaient dépassé les cascades, ils étaient si las, les affluents étaient si étroits et la broussaille si dense qu’en dépit de leurs efforts, ils devaient bientôt renoncer à se frayer un chemin plus avant.

Au retour d’une de ces expéditions, Pierre a vainement tenté de traverser le ruisseau sur une branche flexible. Il est tombé dans l’eau à mi-corps. Auguste se moque de lui.