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ET LES JOURS

Le cours d’eau, gonflé par les pluies récentes, a quitté son lit à l’orée du bois, à un endroit où l’eau forme un coude à angle droit et une partie du courant s’est déversée dans le champ d’avoine, inondant sa partie basse, pendant qu’un mince filet va rejoindre un peu plus loin le cours principal. Nombre d’obstacles naturels ont été déplacés, changeant la physionomie du ruisseau. Ce qui trouble Auguste, ce n’est pas de patauger dans l’eau, bien que le soleil soit avare de ses rayons, mais la crainte que la truite, dérangée dans ses habitudes, effrayée par les corps étrangers que l’eau entraîne, ne refuse de quitter ses obscures retraites.

Massénac jette son appât dans une petite anse noire et, à sa grande surprise, sa ligne est emportée. Il ne sait que faire. « Tire », lui crie Auguste que l’embarras de son compagnon met en joie.

Au retour, vers cinq heures, une chauve-souris vient se planter à quelques pas d’eux sur un arbre, la tête en bas. Pierre tente de la capturer, mais la bête élude son piège et voulant fuir lui frôle la tête. Il laisse échapper un cri de panique, vite réprimé. Maintenant qu’il a eu peur, une volonté irraisonnée de tuer s’empare