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LES DÉSIRS

tres de la gare, n’avait jamais vu une telle af­fluence de gens. Il ne reconnut pas tout d’abord Roy Coste, planté devant son peloton, et qui paraissait le héros de la fête. Après les dis­cours, le régiment défila rue Principale et se rendit à l’église.

Deuville prenait goût aux grandes manifesta­tions. Cette année-là, on célébra d’une façon grandiose la fête du Travail. C’était la revan­che de l’ouvrier sur le militaire et rien ne fut épargné pour dépasser en splendeur le retour des soldats. Les mêmes drapeaux flottèrent sur les édifices, une estrade fut érigée à la gare, et une procession de vingt chars allégoriques reje­ta dans l’ombre le défilé militaire du printemps.

Au milieu des notables, marchait un person­nage, le plus applaudi de la procession, et dont Auguste devait se rappeler le nom : Bernard Massénac.

Puis un mal étrange fit son apparition. On n’en parla pas beaucoup au début. Mais les morts se multipliaient. Les journaux furent pleins de ces mots effrayants : la grippe espa­gnole. Les Prieurs, inquiets pour les enfants, prenaient toutes sortes de précautions. Plus de crème glacée le dimanche, plus de bonbons