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LES DÉSIRS

peut-être pas en l’accusant de protéger les coupables.

Il était jeune. Il eut tout à coup froid. Il avait cru connaître les passions politiques : il reconnut que dans ce domaine un Nachand, hypocrite et fourbe, un Lavisse, qui eût vendu sa mère pour rester dans le parti, un Patrau, brutal et sournois : tous étaient des maîtres. Il pensa à Massénac qu’il avait été bien près de sacrifier.

Ses « lieutenants », les têtes du parti n’en menaient pas large en ce moment. Habitués à tout « arranger » quand le parti est au pouvoir, ils croyaient pouvoir tuer impunément.

— Si le verdict de demain est un verdict de meurtre, dit-il, je fais ma demande au Procureur général.

— Mais, dit Nachand, tu sais bien que Bernard Massénac faisait chanter tout le parti. Tout cela va sortir.

— Je le regretterai, mais je préfère nuire au parti que de prendre part à une injustice.

Ils ne tentèrent pas de le fléchir, car au silence qui s’était fait dans le groupe quand il avait parlé du Procureur général, chacun avait eu peur de son voisin.