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ET LES JOURS

par une nuit de cauchemars, il ne s’était pas soucié de se raser. Il avait les yeux injectés de sang, les paupières en feu, l’haleine forte. Un instant, dans l’antichambre hostile, il s’était découragé. À quoi bon lutter ? On l’accusait déjà publiquement d’avoir tué son beau-père et son fils.

— Je sais, dit-il en entrant, que tu veux me perdre, Auguste. Tu as besoin d’une victime.

— Les circonstances…

— Quelles circonstances ? Tu me connais assez, Auguste, pour savoir que si j’avais voulu tuer le vieux, je l’aurais fait il y a longtemps.

— Écoute Pierre. Je ne puis te faire acquitter si tu es coupable. Mais je suis puissant ici. Si tu veux me dire ce que tu as fait de l’enfant…

— Je ne sais rien. Est-ce comme moi d’enlever mon propre fils ?

— Tu détestais ton père adoptif, et on t’a entendu proférer des menaces contre Lucienne. De plus, tu as été vu ivre-mort le soir du meurtre, dans le quartier où demeurait Bernard Massénac.

— Je te jure que je ne l’ai pas tué.

— Qui l’a fait ?

— Je ne sais pas. Peut-être toi, Auguste.