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ET LES JOURS

Aux yeux de François Prieur son travail a une grandeur qu’il veut faire sentir à son fils. Il redoute que ses compagnons moins sérieux ne dénigrent le chemin de fer devant Auguste. L’enfant sent passer en lui cette inquiétude de son père. Il est profondément intimidé par le crépitement des télégraphes, les sonneries qui éclatent à tout moment, tout l’appareil imprévu d’une salle de contrôle des trains. Les employés à visière verte tournent le dos à leurs clefs pour causer un moment avec M. Prieur et dire un mot aimable à Auguste. Sanglé dans sa petite redingote bleue, ses chaussures fraîchement cirées, l’enfant se rappelle une phrase de sa grand’mère : « Aucun de vous n’est infirme ou idiot. » C’est un sujet d’émerveillement pour la vieille femme qui a été élevée à une époque où les maladies de l’enfance abandonnée à leur cours, laissaient de sinistres reliquats. Auguste sent que son père est fier de lui.

En sortant de la gare, l’enfant est soulagé : tout s’est bien passé ! M. Prieur est repris d’un sentiment d’amitié envers ses compagnons de travail ; ils ont été dignes de l’idée qu’il veut que son fils emporte d’eux.