Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
LES DÉSIRS

d’une aventure. Tous les jours, l’enfant entend parler de déraillements, de télescopages, de tamponnements. Il y a peu de temps, Clinker Bell a été brûlé vif dans les fourneaux de sa locomotive renversée, Bob Garène a eu la jambe sectionnée dans un déraillement.

À l’extérieur, la gare est une grande bâtisse de pierres rouges, percée de hautes fenêtres sans rideaux et précédée d’un large quai découvert. Devant le quai et tournant le dos aux voies, le bel omnibus vert de l’hôtel Bothello, aux portières garnies de rideaux à frange, attelé de deux chevaux fringants, attend les voyageurs. Un peu plus loin, près de l’entrepôt, Auguste aperçoit les énormes phares de cuivre de l’auto de Roy Coste. On parle beaucoup de Roy Coste à Deuville. C’est lui qui a posé le coq à la pointe du clocher de Saint-Augustin, et pour le prix de cet exploit, il a reçu la première voiture-automobile de Deuville. C’était quelque temps avant la conscription. Il a été un des premiers conscrits et la voiture est passée aux mains de son père qui ne la conduit que rarement. Auguste voudrait bien s’approcher de cet engin qui fait l’admiration de toute la ville, mais M. Prieur l’entraîne dans la gare.