Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
LES DÉSIRS

venue, marche au hasard, aspirant de tout son être à se reposer mais ne pouvant se soustraire à l’impérieuse volonté de la voix qui lui commande de ne pas s’arrêter.

Pendant des heures, hébété, incapable de coordonner ses pensées ou ses mouvements, il marche, cherchant par instinct les ruelles, presque désertes.

Mais à mesure qu’il marche, ses mouvements perdent de leur imprécision, sa volonté reprend son empire sur ses muscles, il hâte le pas et il s’aperçoit tout à coup qu’il a faim.

Ses jambes sont très lourdes. Avec le retour de la lucidité, la fatigue se fait sentir. Mais enfin, il est de nouveau maître de ses mouvements. Pour s’en convaincre il tire son mouchoir de sa poche, porte la main à sa tête et s’éponge le front. Il en éprouve un sentiment de sécurité extraordinaire. Manger… De nouveau, il se sent empoigné par l’inquiétude. Celle-ci a pris la place de sa terreur de la nuit dont elle est dans un homme fort, vigoureux et jeune, la seule forme consciente.

Il lui semble sentir sur sa nuque le poids presque matériel d’un regard. Il se retourne