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ET LES JOURS

qui voulaient faire un mauvais parti à l’un d’eux pour une histoire de femmes ?

François Prieur a beaucoup appris dans les longues randonnées qu’il fait, assis à l’arrière de sa draisinette à moteur. Ses idées se développent par petites secousses, au rythme de la machine, mordant le rail dans les courbes ou bondissant joyeusement dans la plaine. Quand il s’arrête, son gosier est fatigué. « Je pense de la gorge », dit-il en riant.

François dit parfois à son fils :

— À ton âge, j’attelais un cheval — ou à ton âge, je n’avais pas de chaussures pour jouer. Auguste reste timide devant ces comparaisons. Il imagine son père, enfant, suspendant ses chaussures à son cou pour se rendre à l’école.

Quand François Prieur parle ainsi, l’enfant se sent aussi loin de lui que s’il était un étranger.

— Es-tu fatigué ?

Non Auguste n’est pas las de marcher. Il a hâte de pénétrer dans cette enceinte pleine de mystère qu’il a vue la nuit de son arrivée et dont il ne lui reste qu’un souvenir confus.

À ses yeux, le chemin de fer a quelque chose