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LES DÉSIRS

anodins. Il voulait lui donner le temps de se laisser imprégner par la paix studieuse de la pièce. Il avait pour cela ses raisons. Il ne voulait pas se laisser entraîner, ni laisser l’autre s’engager aventureusement dans des confidences emportées.

Après le tabac, ils dégustèrent un verre de cognac. Lecerf, impatient d’abord, finit par se laisser pacifier et, dans un élan de joie, il envia la vie studieuse de son ami. La contemplation et l’étude, qui lui étaient inconnues, lui parurent désirables. Ce mouvement passé, il redevint lui-même. Alors l’abbé Étienne, qui n’avait rien perdu de ces mouvements intérieurs, le laissa parler…

— Je n’ai pas à vous juger, mon ami, dit-il enfin, puisque vous vous adressez à l’ami plutôt qu’au prêtre. Cependant je ne saurais trop vous mettre en garde contre votre tempérament. Vous êtes un violent et « violenti rapiunt illud » (il prononçait le latin à la française) mais c’est contre nous-même que nous devons conquérir le ciel, non contre les autres. Notre tâche, à nous catholiques, est à la fois spirituelle et temporelle. On nous consulte plus souvent au sujet du monde qu’au sujet du ciel. Et puis nous