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LES DÉSIRS

breux, ils influencent les pensées, les mœurs et les habitudes des autres habitants.

C’est la belle époque des chemins de fer et des unions. Les équipages des trains et le personnel des gares forment une aristocratie au sein de la classe ouvrière. Ils ont été les premiers à se grouper en guildes internationales et il en est résulté une sorte de franc-maçonnerie, accentuée par le népotisme, dont on voit les derniers vestiges dans les relations entre les gens de chemin de fer et les compagnies. Tous ces métiers excitent l’envie des autres ouvriers.

Ce matin-là, au moment de quitter la maison François Prieur appelle Auguste.

— Je t’amène à la gare, dit-il.

Depuis longtemps, l’enfant rêve à ce lieu où son père se rend tous les matins, dont il parle le soir et qui est au centre de sa vie.

Tenant Auguste par la main, M. Prieur marche en silence. François Prieur a la robustesse des paysans dont il est issu. Dans sa famille, les hommes ont de l’étoffe. On raconte encore dans les soirées leurs exploits homériques. Un jour n’ont-ils pas à quatre fait mordre la poussière à une vingtaine d’Irlandais de Griffin Town