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LES DÉSIRS

si peu semblable au portrait qu’elle a imaginé. Ce grand garçon sincère, égoïste comme tous les hommes, est capable de compréhension et d’affection. Une femme a donné sa vie pour lui et elle l’aime d’avoir inspiré un tel sentiment. Elle pourrait s’attacher à lui si son cœur n’appartenait, depuis qu’elle l’a revu, à Pierre Massénac. Elle pense : Ceux qui admirent un homme accompli, habile dans les choses du monde, ayant de l’esprit, de l’entregent et du cœur, n’imaginent pas contre quelles forces il s’est formé. Il suffit cependant qu’on s’arrête à sa propre vie. Combien de maladies, d’accidents, de dangers, de tentations, de pièges, de hasards, guettent les hommes entre la naissance et la maturité. L’homme moderne doit s’assimiler six ou sept siècles de civilisation avant l’âge de vingt ans. De cette course bien peu sortent indemnes. Et le talent, le génie sont la conséquence de conquêtes sur les psychoses, les inhibitions, les fautes et les crimes mêmes, de résistance au milieu, à l’hérédité et à l’éducation. Toute adolescence est jonchée de cadavres d’êtres mythiques, mais aussi d’êtres humains.

Julien, la voyant absorbée, s’est éloigné de