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ET LES JOURS

Cette amitié entre les deux hommes avait commencé, à Auckland, le jour où le jeune homme avait arraché Lancinet des mains d’Arnim et du quartier-maître qui voulaient lui faire un mauvais parti. Mirion, qui avait été le protecteur de l’idiot, était mort en mer, l’année précédente. Lancinet ne quittait plus Massénac.

Pendant des années, quand le jeune homme risquait sa vie tous les jours dans les mers du Sud, il avait rêvé au temps où riche enfin, il pourrait laisser couler les heures, nonchalamment étendu dans un bain tiède. Il tenait enfin le pouvoir de réaliser tous ses vœux.

Quand il faisait la contrebande des armes en Orient, le risque constant de la mort, d’une mort ignominieuse le grandissait, mais il savourait en même temps sa vengeance de la société qui l’avait humilié. Dans les rencontres avec les patrouilles côtières, Pierre faisait volontiers le coup de feu avec ses hommes, bien qu’il ne fût en quelque sorte responsable que de la navigation. Il voyait tomber les hommes autour de lui, mais jamais il n’avait pensé qu’il pût mourir ainsi.

Son plaisir était de boire la nuit avec quel-