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VIII

Bernard Massénac n’a jamais eu peur de sa vie. Mais ce matin-là, en laçant ses bottines, — il n’avait jamais adopté le soulier, le trouvant trop moderne — il a une sensation qu’il ne connaissait pas encore, comme si ses poumons se vidaient tout à coup. C’est le plus près qu’il viendra jamais de connaître la peur. Il se relève, aperçoit son ventre dans le miroir et détourne les yeux.

— Auguste arrangera bien cela. Après tout, il ne peut pas laisser condamner comme un criminel celui qui l’a fait élire. Et puis il a encore besoin de moi.

Bernard Massénac n’a pas appris à penser sans parler. Il lui faut un auditeur sympathique. Tous les prétextes sont bons. Comme au temps d’Eugénie, il ne trouve jamais ses effets.

— Lucienne !

— Oui.

— Où as-tu mis ma chemise ponceau ? On ne trouve rien ici.

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