Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
ET LES JOURS

Comme il l’avait promis à Lavisse, Prieur se donna tout entier au plaisir de la dégustation. Les sauces étaient nuancées à souhait, et le vin lui réchauffait doucement le cerveau, répandant un délicieux engourdissement dans les membres.

— Mon cher Lavisse, dit-il, après le cognac, je ne veux pas défendre ton Massénac.

— Notre Massénac, dit Nachand qui, en guise de sourire, montra ses dents. Nachand était toujours grave au point de paraître empesé.

— Je suis entièrement de ton avis, dit Lavisse, n’en parlons plus.

Prieur fut désarçonné par ce facile succès. Lavisse était son ami ; ils n’avaient aucun secret l’un pour l’autre. Migneron parlait peu d’ordinaire. Il craignait de déplaire au député et paraissait embarrassé d’être venu.

— Pourquoi prends-tu cette attitude, Sam ? demanda le député.

Lavisse ne répondit pas immédiatement ; il regardait Prieur. À la fin, il dit :

— Tu veux que je te parle les yeux dans les yeux ; eh bien, Auguste, c’est parce que je crois que tu n’es pas un politicien et que tu ne peux