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ET LES JOURS

« Excuse-moi, dit-elle aussitôt, je ne sais pas ce que je dis. » Son visage est tordu par la douleur ; ses lèvres contractées découvrent ses dents, elle ne repose que sur les pointes des talons et de la nuque. Et pour ne pas crier, elle lui mord le bras. Il ne peut rien pour elle. Dans la douleur, comme dans l’amour, ou la mort, nous sommes seuls, irrémédiablement. Il a cru qu’elle allait mourir et il eut donné sa vie pour qu’elle vive, mais il ne peut rien que rester là et compatir.

Dans la cour du chemin de fer, à la pointe du pylône de l’est, les quatre gros phares brillent étrangement dans l’aube, comme des étoiles visibles en plein jour. La locomotive continue son ménage. L’un après l’autre, les wagons sont chassés sur la voie de rassemblement. Un train de marchandise se prépare, auquel viennent se souder les derniers wagons.

Le médecin est entré. Il cause en bas, avec la garde. Marguerite ne sait pas que le jour est là. En apercevant le praticien, elle crie : « Docteur, je vais mourir. » Il sourit, cligne de l’œil vers Auguste. Celui-ci sent sa responsabilité tomber à zéro. Il se hâte de sortir dans le corridor, se remplit les poumons d’air. Le mé-