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LES DÉSIRS

la salle de bal vers huit heures et s’étaient assis près de la vasque. Le maître d’hôtel, croyant qu’ils voulaient danser, avait fait réunir les musiciens…

La garde se détourne du lit. Auguste a remarqué qu’elle n’adresse jamais la parole à Marguerite. Elle dit : « Il n’y a rien à faire, monsieur, tout va bien. » Il n’est pas rassuré. Marguerite crie : « Auguste, viens ! » Il se penche sur elle, elle le serre de ses deux bras où toutes ses forces se sont portées. Dans ses yeux, pendant les crises qui se prolongent au point qu’elles ne lui laissent presque plus de répit, passent des visions d’épouvante. Le regard est tourné en dedans et les lèvres se figent dans un rictus mécanique qui n’a plus rien d’humain. Il s’efforce de la rassurer. Il est calme, plus calme qu’on ne l’est à quatre heures du matin, quand on n’a pas dormi depuis trente-six heures. « C’est de ta faute », crie-t-elle avec colère. Elle vocifère des phrases incohérentes pendant que la douleur passe. Il sent sourdre en lui une faculté nouvelle qui lui est adjointe, avec sa fonction propre, la douceur. Ce sentiment qu’il éprouve ne découle pas de son amour : il en est comme le dédoublement.