Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LES DÉSIRS

ré : « Avant de repartir… » Sitôt, pense-t-elle. Elle a l’impression qu’elle va défaillir. Le sacrifice qu’elle lui a fait, elle l’a consenti en pleine connaissance de tout. Eh bien, il verra que son amour est à la mesure d’un orgueil d’homme. « Je savais qu’il m’abandonnerait », pense-t-elle. « Je suis allée à lui les yeux grands ouverts. Quand une femme se donne à un homme comme Pierre, c’est pour ne plus se reprendre. » Il parle. Elle croit revenir de loin après un temps qui lui a paru très long.

— Avant de repartir, je voudrais vous arracher à ce milieu, Lucienne.

— Mais il faut que je gagne ma vie.

Elle se tuera plutôt que de livrer son secret.

— Il y a d’autres moyens. Je pourrais vous trouver un autre emploi.

— Mais j’aime mon emploi, Pierre. Pourquoi voulez-vous me le faire quitter ?

— Parce que je suis jaloux de tous ces clients qui vous parlent familièrement, de Bourret qui ne vous quitte pas des yeux…

— Vous vous trompez, Pierre, M. Bourret ne m’ennuie plus. Elle rougit et regrette aussitôt ce dernier mot.

— Alors, il vous a déjà ennuyée ?