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six ou sept ans, m’avait rendu hostile à la bienfaisance de la vie.

Ma belle-mère mettait une ombre à ce tableau. Elle m’avait laissé entendre discrètement dès le deuxième jour de mon arrivée, que ses amies s’étonnaient de me voir rester sans situation. Grâce aux relations de mon père et de M. Aquinault, il eût été facile de me placer. Je n’avais qu’à en exprimer le désir. On ne contrarierait pas mes inclinations. Enfin, il devait bien exister une place qui me fît envie. Quand ma belle-mère prononçait le mot situation, elle le gonflait de prestige, le dépouillait de toute idée de labeur obscur. Elle faisait miroiter cette idée comme on manie un instant un jouet compliqué pour en apprendre le mécanisme à un enfant. Elle le faisait avec la fierté d’une fille de fonctionnaire arrivé.

Mais l’atmosphère était trop tendue dans la maison, pour qu’elle s’occupât longtemps de moi. Grand-père, sous prétexte qu’il empêchait tout le monde de dormir, avait été évincé de la chambre qu’il partageait depuis des années