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que-là comme une tentation contre l’art : le sentiment de mon inaptitude à créer.

Depuis trois ans, je vivais à la surface de moi-même, me forçant de ne rien révéler aux autres de mes doutes, m’adaptant laborieusement à un milieu pour lequel je n’étais point fait, vivant dans les autres pour contrôler à chaque instant si le bourgeois que j’étais resté au milieu de ces artistes était accepté ou rejeté d’eux, si j’étais toujours en état de grâce artistique et, à mesure que s’accumulaient les échecs, épiant dans les regards la condamnation que je redoutais et que dans mon angoisse j’appelais peut-être.

Je possède au plus haut degré la faculté de laisser tomber de ma mémoire les événements dont je rougis quand ils me sont rappelés sans préparation. De ceux-là sont mes difficultés avec ma belle-mère, mon stage à l’université, mon amour pour Lorraine. Peu après mon entrée à l’université, des camarades m’avaient présenté Lorraine Bériau. Nous nous étions revus souvent, bien qu’elle fût plus âgée que moi. Un jour, elle m’avait écrit de la campagne, où elle s’était re-