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CHAPITRE IV


Vers l’âge de treize ans, je me liai d’amitié avec un garçon qui avait comme moi la passion de la lecture. Georges Lescaut avait le teint brun, les bras démesurément longs, terminés par de grosses mains cagneuses. Il cachait sous des dehors guindés, froids et dissimulés, une nature ardente, capable de la plus authentique grandeur. En parlant, il soulignait une répartie d’un clignement d’yeux inattendu et naïvement canaille. Ses yeux, ombragés de cils épais, retenaient le regard. Il n’était pas rare qu’une passante, attirée par le fluide qui s’en dégageait, ne perdît soudain contenance en nous croisant ou ne nous saluât d’un regard attendri. Il était conscient de cette particularité et paraissait malheureux de son pouvoir. Tout ce qui avait trait à sa vie intime était enveloppé de mystère. Durant tout le temps que dura notre amitié, il ne