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Daniel m’accompagna dans ma promenade. Depuis que mon angoisse m’avait quittée, j’éprouvais un besoin plus grand de me confier à un ami. Déçu par Bonneville, je m’attachais à Daniel. Il ne comprenait pas que je me détachais péniblement de mes espoirs, de mes idéals, de mes illusions, que je brisais ma chrysalide. Il était gai, et en sa compagnie, je m’efforçais de l’être. Il attribuait mes accès de tristesse tantôt à des soucis d’affaire, tantôt à l’état d’Armande qui empirait chaque jour.

Il ignorait la profondeur de mon égoïsme et de ma misère. Oui, peu m’importait la maladie d’Armande ; elle allait mourir, mais moi je devais vivre ; je devais m’adapter, agir sur la matière puisque l’esprit me désertait, tâcher de prendre intérêt à ce jeu comme un autre. Peut-être aussi, à cinquante ans, jouer aux cartes dans les clubs louches, me donner un peu l’illusion de l’aventure, de déroger à la régularité d’une vie inutile et sans but.

Au bord de la rivière, nous nous séparâmes.

Le vent s’était aminci au point de devenir une