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Et elle éclata en sanglots. Je voulus la consoler, mais de la main, elle me pria de la quitter.

Le lendemain, je trouvai dans le courrier une lettre d’Armande où celle-ci me demandait pardon de la scène de la veille et me priait de tout oublier. Elle ajoutait : « Je ne veux pas mourir, Julien, je suis trop jeune pour mourir. » Je compris qu’elle était condamnée et qu’elle ne l’ignorait plus. Elle maigrissait à vue d’œil mais son visage restait étonnamment vivant.

Elle m’avait répété à plusieurs reprises qu’elle avait peur de ne pas m’aimer pour moi-même. « Tu es bon », me disait-elle. J’avais tenté de me défendre contre cette imputation de bonté. Si cette qualité était la raison unique de son amour, et qu’un jour, cessant de me sacrifier à ses caprices, je cessasse en même temps de lui paraître bon, elle ne verrait plus en moi ce qui l’attirait. Je ne voulais pas que son amour fût attaché à une vertu qu’à ses yeux je pouvais perdre. La bonté, dans sa bouche, signifiait la capacité de me sacrifier pour elle ; elle impliquait un dévouement de tous les instants qui, en maintenant