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néant. Comme un convalescent à ses premiers pas, j’étais pris de vertige.

Depuis mon enfance de fils unique, la solitude avait été mon état naturel. Même avec Georges, même avec Armande ; partout dans tous les groupes j’avais été seul. En essayant de me changer, j’avais agrandi le champ de mon action, mais l’ombre projetée par mon esprit sur les choses était la même. La profondeur et l’étendue de ma prise sur les êtres n’avait pas changé. Il dépend peut-être de l’homme de modifier sa situation, sa condition sociale, mais dépend-il de lui de s’ajouter un talent.


J’étais déchiré, j’avais perdu tout équilibre. Je ne voyais d’issue que dans un désespoir sans visage. Où aurai-je fui ? On ne se fuit pas soi-même. J’avais trop l’habitude de me penser comme écrivain. Avant d’aborder l’obstacle, je pouvais m’imaginer qu’il m’eût suffi de vouloir pour le surmonter. Mais chaque effort me permettait de mesurer ce qui me manquait. Je n’avais rien appris, même les choses les plus simples.