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plus que rarement seul. Je vivais en fonction de mes amis.

Je relisais mes poèmes anciens et les comparais à ceux que je faisais maintenant. Quelle différence entre les deux époques ! Les premiers étaient le fruit de méditations abstraites : les nouveaux, plus objectifs, me paraissaient sans prolongement. L’indétermination qui faisait le charme des anciens avait fait place à une aride perfection.

Je ne me rendais pas bien compte que je souffrais d’être moi-même. Sensation trop nouvelle. Les écrivains que j’aimais avaient encore des secrets pour moi, mais ces secrets ne m’intéressaient plus. Insensiblement, au cours de cette dernière année, je venais de découvrir, de préciser, de fixer ma forme, celle qui répondait le plus complètement à mon tempérament et à mon esprit. Je regrettais d’avoir quitté mes appuis trop tôt. Devant moi, s’ouvrait une période de tâtonnements, de stérilité, d’aridité, prix de mon affranchissement. Je ne voyais pas au delà de la page commencée ; mon esprit broyait du