souhaiter cette aliénation, ce que tout le monde appellerait « sa perte » ; il aspirait à se dissiper tout entier dans ce sentiment équivoque et douloureusement adorable. À certaines heures de lucidité, il jugeait presque criminel cet engouement d’un homme de son âge pour une jeune femme mariée, alliée à sa famille, et que tout en lui comme en elle lui interdisait d’aimer.
Tout dans son existence jusqu’ici se motivait sur le plan de la raison. Il n’avait depuis son mariage, eu d’amour que pour Jeanne. Il avait possédé le bonheur, un bonheur simple, avec des problèmes certes — toute vie a les siens — mais ces difficultés correspondaient dans l’ordre moral à des épreuves qu’ils avaient assumées ensemble. Son sentiment, sa passion plutôt pour Sylvie mettait fin à cette unité. Elle les divisait. Le caractère hédoniste de son amour — qu’il reconnaissait le premier — constituait à ses yeux, alors même qu’il aurait pu encore essayer de le subjuguer et ne le faisait pas, un inexpiable désordre. En même temps qu’il appréhendait le mal qu’il allait faire aux siens, Georges se posait avec presque autant d’inquiétude le problème de sa propre vie intérieure. Désormais, détourné de Dieu, il serait seul.