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ou trois chopes, accompagnées de juliennes, de petits fourrés chauds. La deuxième chope m’apportait inévitablement une déception. Je ne m’y arrêtais pas — cela m’eut paru indigne d’occuper mon esprit à ce moment-là, mais j’en ai parlé avec des copains, les autres ne me comprenaient pas. Plus tard, il nous arriva d’y prendre le souper. Les garçons qui nous connaissaient bien nous réservaient une table, de préférence près des murs ou dans l’encadrement d’une fenêtre, où nous pouvions deviser sans être importunés.

— Les femmes n’étaient pas admises ?

— Nous allions les rencontrer ailleurs, notamment au grill situé au sous-sol des magasins Morgan, où Dagneau tenait sa cour au temps du collège et où j’allais passer une heure quand mes économies me permettaient de faire ma partie dans le concert de ses admirateurs. Il y avait là des jeunes filles bien tournées et de bonnes familles qui venaient prendre une glace en compagnie des « philosophes ». J’étais trop sérieux et trop peu habitué au monde pour me sentir à l’aise parmi ces élégants, versés dans tous les raffinements de la société. Les propos, il va sans dire, étaient plus sérieux à la brasserie.