Georges sortit dans le jardin et se joignit aux admirateurs de Colette. La vivacité de celle-ci contrastait avec la mélancolique nonchalance de sa fille. Sous des dehors très sages, une démarche étudiée et presque artificielle, Sylvie cachait une nature fougueuse. Petite de taille, d’apparence frêle, elle appartenait à cette famille d’êtres qui inspirent des passions sauvages. Georges ne se lassait pas de contempler son visage fin, aux yeux largement écartés, dépouillé de tout artifice de maquillage, nu dans son étrangeté. Elle portait ses cheveux longs, tombant sur les épaules, des bijoux effilés aux oreilles et au cou, une robe jaune soufre, étroite et décolletée, qui accentuait l’impression de tige fragile que son corps suggérait.
Georges la complimenta de son portrait qui, s’empressa-t-il de convenir, ne donnait qu’une idée bien imparfaite du modèle. Elle avait, disait-elle, rencontré ce peintre new-yorkais par hasard dans un café de la rue Stanley, où elle s’était arrêtée avec sa mère et il avait sans ambages exprimé le désir de faire son portrait. Colette, avec sa fougue coutumière, l’avait installé dans l’appartement d’une amie qui voyageait en Europe.