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à sa première visite chez Édouard Montpetit dans des circonstances identiques. Georges, qui avait vingt ans, s’était inscrit en sciences sociales. La rentrée coïncidait avec la parution d’un nouveau livre du maître et le jeune étudiant était allé, avec un camarade, lui demander son autographe. Un secrétaire les avait reçus dans une petite pièce en galerie, ouverte sur le hall, d’où ils pouvaient voir le professeur prenant le café entouré de ses invités. Il les avait bientôt rejoints et entraînés dans une officine où ils avaient pris place au milieu d’un encombrement de caisses, de livres à peine déballés et de manuscrits qui attendaient d’être classés.

En entendant le nom de Hautecroix, Édouard Montpetit avait levé les yeux et regardé longuement le jeune homme, la main posée affectueusement sur la page de garde où il s’apprêtait à écrire. Il y avait dans ce geste une coquetterie de vieil auteur qui feignait de voir dans le modeste étudiant qui l’admirait le représentant d’une génération dont il redoutait le verdict.

Mayron se présenta avec assurance. C’était un jeune homme presque trop beau, aux grands yeux brun sombre, ombragés par une double haie de cils très noirs et d’une lon-