dans la pensée de son opposant. Plus la pensée exprimée s’écartait de ce qu’il tenait pour vrai, plus il lui accordait d’attention. Dans ces moments-là, en apparence détendu et balançant sa jambe droite repliée sur l’autre, il ne souffrait aucune interruption.
Il aimait la compagnie, allait souvent dans le monde et accordait une importance exagérée au rituel des réponses aux invitations, aux visites de digestion et, en général, à tout ce qui touchait les coutumes. Calé dans son fauteuil, dans un coin du salon, suivant la pensée de chacun au moment où elle se formait sur les lèvres, il souriait doucement. Et les initiés, selon les nuances de ce sourire, pouvaient suivre les mouvements de son âme. Il accomplissait tout avec une lenteur aisée qui n’était pas de son âge et un ménagement de ses forces qui portait à croire qu’elles étaient sur le point de lui faire défaut. En lui, jamais rien de vif, ni le geste, ni la répartie, mais une pondération que son sourire faisait prendre en patience. Une moue, un froncement de sourcils paraissaient lui demander un effort. Il répétait volontiers :
— Je ne comprends pas.
Il souriait, vous regardait bien en face et disait doucement :